dimanche 31 mars 2013

Lire pour faire la révolution


Perquisition de la police politique du dictateur Fulgencio Batista
dans l'atelier clandestin où des étudiants révolutionnaires impriment
leurs tracts et leurs journaux séditieux.
Le chef de la milice tombe sur un ouvrage compromettant :
"L'Etat et la révolution" ("la doctrine marxiste de l'Etat et les tâches
du prolétariat dans la révolution"), un texte rédigé par Lénine en 1905
puis complété et mis à jour par l'auteur en 1917.
"A qui est ce livre ?" demande le chef de la police.
"Il est à moi !" répond l'un des étudiants. "Il est à moi !" renchérit le
deuxième. "Il est à moi !" clame le troisième.
Les trois insurgés sont arrêtés et seront bientôt assassinés.
La liberté ou la mort ? La mort, parfois.


Oeuvre de commande, ce film de Mikhaïl Kalatozov
devait être un travail de propagande à la gloire de la
révolution cubaine. Malheureusement, le résultat fut
très mal reçu aussi bien en URSS qu'à Cuba, et
interdit dans les cinémas américains pendant toute
la durée de la guerre froide. A la décharge des
défenseurs du réalisme socialiste, il faut bien reconnaître
qu'en plus des ambiguïtés du propos (la vie des prostituées
cubaines sous le régime de Batista a de faux airs de
"dolce vita"), on n'a jamais vu une caméra aussi présente
et virtuose dans toute l'histoire du cinéma.
Il faudra attendre les années quatre-vingt-dix pour
que cette oeuvre maudite et oubliée sorte enfin du purgatoire.


samedi 30 mars 2013

Lire des histoires d'amour


Après un passé de bête de foire, John Merrick essaie
de réapprendre à vivre. Ici, Mrs Madge Kendall
lui offre les oeuvres de Shakespeare et l'invite à se
plonger dans la lecture de "Roméo et Juliette".
Inconscience ou pure cruauté ? Il y a pourtant fort à parier
que le pauvre homme ne connaîtra jamais l'amour...
Le film de David Lynch est le premier film financé
par la société de production de Mel Brooks,
le mari d'Anne Brancroft, la Brooksfilms.
Ce film retrace l'histoire vraie de Joseph Merrick,
un jeune britannique né en 1862 et mort en 1890,
atteint du syndrome de Protée, une maladie génétique
qui affecte la croissance des tissus et produit
de sévères déformations.
Le maquillage de John Hurt durait 12 heures
par jour, et était directement élaboré
à partir des moules en plâtre réalisés sur la tête
de Joseph Merrick et miraculeusement
conservés jusqu'à l'époque du tournage.

vendredi 29 mars 2013

Lire à la pêche


Un autre film d'Albert Lewin, une autre citation d'Omar Khayyam.
Un film qui commence par la fin : la belle Pandora Reynolds et le
mystérieux Hendrick Van der Zee, avatar du Hollandais volant, ont
consommé leur amour dans la mort : on vient de repêcher leurs corps
étroitement embrassés, un exemplaire des "Rubaiyat" à la main.
Encore une fois, le film s'ouvre et se clôt par ce robaï :

"The Moving Finger writes ; and, having writ,
Moves on : nor all thy Piety nor Wit
Shall lure it back to cancel half a Line,
Nor all thy Tears wash out a Word of it."


mercredi 27 mars 2013

Lire les Rubaiyat


Le film commence et se termine par le même plan :
une citation des "Rubaiyat" ("quatrains" en persan)
d'Omar Khayyam (1048-1131). Les deux premiers
vers d'un robaï riment ensemble avec le dernier, le
troisième étant un vers libre. Ici, le texte est le suivant :

"I sent my Soul through the Invisible
(J'ai envoyé mon âme à travers l'invisible)
Some letter of that After-life to spell :
(déchiffrer quelque élément de cet au-delà)
And by and by my Soul return'd to me,
(et mon âme finit par me revenir)
And answer'd : I myself am Heaven and Hell
(et rapporta que je suis moi-même le Ciel et l'Enfer)"



dimanche 24 mars 2013

Lire pour annoncer la couleur


Dorian Gray, sur les conseils de Lord Henry, a décidé
de mettre à l'épreuve la vertu de la fragile Sybil Vane.
Il lui demande de passer la nuit avec lui avant de l'épouser.
Il lui lit alors le passage d'un livre mystérieux :
"Tu éveilles en moi la bête, ce contre quoi je me défends...
Tu crées des rêves de luxure, et du sacré fais de l'infâme."
La jeune femme finit par céder, et le lendemain, Dorian lui
envoie une lettre d'insulte qui la poussera au suicide.
Interrogé plus tard sur le contenu de son livre de chevet,
Dorian répondra qu'il s'agit d'un "poème d'un jeune Irlandais
sorti d'Oxford : Oscar Wilde."
Pour préserver le mystère autour de l'étrange physionomie
de l'acteur Hurt Hatfield, le réalisateur Albert Lewin avait
décidé de ne jamais le fimer après quatre heures de l'après-midi,
et de ne le filmer qu'en plan large
lorsqu'il présentait des signes de fatigue.


samedi 23 mars 2013

Lire en fiacre


Début du film. Lord Henry Wotton rend visite
à son ami le peintre Basil Hallward. Pour tuer le temps,
le dandy désabusé lit "Les fleurs du mal" de Charles Baudelaire
pendant qu'un fiacre l'amène à destination. C'est Lord Henry,
le corrupteur, le tentateur, qui, par ses discours pernicieux,
va pousser le jeune Dorian à formuler un voeu sacrilège.
Dans le roman d'Oscar Wilde, Lord Henry prêtait au
jeune homme un ouvrage sulfureux, seulement désigné
comme un petit livre à couverture jaune, en lequel les critiques
s'accordent à reconnaître le roman de Joris Karl Huysmans,
"A rebours". Basil Rathbone désirait vivement incarner
Lord Henry, mais ce fut finalement le très élégant
et très décadent George Saunders qui décrocha le rôle.

vendredi 22 mars 2013

Lire à la folie



Lila Crane, la soeur de feu Marion, explore la maison des Bates,
pendant que Sam Loomis, l'amant de la défunte, occupe Norman.
Elle fouille maintenant la chambre de ce jeune homme tourmenté.
Quelles peuvent bien être les lectures du garçon ? Lila s'empare d'un
livre qui ne porte ni titre ni nom d'auteur, ni sur la tranche, ni sur la 
couverture. Elle ouvre le recueil et un contrechamp nous montre son
visage. Nous ignorerons toujours ce que contenait cet ouvrage.
Dans le roman de Robert Bloch, Norman Bates est un passionné
de spiritisme, d'occultisme et de pornographie. Si c'est cette dernière
piste qui devait être retenue, le code Hays suffirait à expliquer ce
mystère. Et puisqu'il est question du roman de Robert Bloch, paru en
1959, notons que ce filou d'Hitchcock en acheta les droits anonymement,
pour la somme dérisoire de 9000 dollars US, et ordonna à l'une de ses
assistantes d'en acheter le plus grand nombre possible d'exemplaires afin
de garder le secret sur la fin de l'histoire en empêchant les spectateurs de
lire le livre avant de voir le film.


jeudi 21 mars 2013

Lire dos à la fenêtre


C'est la fin du film. L'avant-dernier plan, avant un ultime travelling
sur la cour. Jeff Jeffries est tranquillement assis dans son fauteuil roulant,
il a désormais les deux jambes dans le plâtre. Lisa Carol Fremont, sa douce amie,
se prélasse sur le canapé, dos à la fenêtre, en lisant un livre sur la région himalayenne.
Cet ouvrage est l'oeuvre de William O. Douglas, un juge de la Cour suprême
des Etats-Unis qui, en demeurant à son poste 36 ans et 209 jours,
détient le record de longévité de cette vénérable institution.
Le film d'Hitchcock est l'adaptation de la nouvelle "It had to be murder"
de l'écrivain américain Cornell Woolrich, alias William Irish.
On notera qu'il s'agit du seul film où l'on peut voir Grace Kelly
fumer une cigarette : elle refusa toujours de fumer à l'écran,
sauf en cette unique occasion.


mardi 19 mars 2013

Lire en train


La blonde et fatale Eve Kendall est une jeune femme qui n'a pas froid aux yeux :
après avoir rencontré à bord du train Roger Thornhill, un homme poursuivi
pour meurtre par la police, elle décide de le cacher dans son compartiment.
Quand les inspecteurs frappent à sa porte, elle feint d'être plongée dans la lecture
d'un livre tandis que Thornhill est caché dans la couchette supérieure fermée.
Le livre en question s'intitule "The agreeable age". Encore un ouvrage qui,
malgré toutes nos recherches, ne figure pas dans nos archives. Tout renseignement
complémentaire à propos de cette oeuvre inconnue serait le bienvenu.


dimanche 17 mars 2013

Lire en mangeant dans un snack


Paul Hackett, jeune informaticien timide et solitaire, dîne dans un snack
en lisant le roman d'Henry Miller, "Tropique du cancer". La caméra
s'éloigne et nous révèle la présence d'une autre consommatrice esseulée,
Marcy Franklin, une admiratrice du romancier américain qui va aborder
Paul pour discuter de l'oeuvre de Miller et lui laisser son numéro de téléphone.
Une longue nuit agitée commence pour Paul Hackett,
qui ne l'empêchera pas d'arriver à l'heure au travail le lendemain matin.
"Tropique du cancer", écrit en 1931 et publié en 1934 à Paris par Obelisk Press,
ne sera publié aux Etats-Unis qu'en 1961 où il sera aussitôt poursuivi et interdit
pour obscénité. Le jugement sera cassé en 1964 et le livre bénéficiera d'un beau
succès de scandale.



samedi 16 mars 2013

Lire pour bien manger


Quatre amis, Ugo, Marcello, Michel et Philippe, se réunissent
dans la luxueuse villa de Philippe, le magistrat, pour en finir avec
leurs misérables petites existences. Ils ont décidé de manger jusqu'à
en crever. Ugo est celui qui préside aux agapes et confectionne les
festins. Ici, il consulte un livre de cuisine pour y puiser de nouvelles
idées. Il mourra lui-même en s'étouffant lors de la dégustation d'un plat
composé de trois types de foies différents, en forme de dôme de Saint-Pierre,
qu'il aura lui-même préparé. Le film a été tourné en 1973 dans une villa
parisienne du seizième arrondissement, sise au 68 rue Boileau, emplacement
actuel de l'ambassade du Vietnam. Espérons que les propriétaires des lieux
sont aujourd'hui plus raisonnables en matière d'alimentation.


vendredi 15 mars 2013

Lire pour connaître l'ennemi



Martin Brody, le nouveau chef de la police de la petite station balnéaire d'Amity,
enquête sur les attaques de requins. Il est si absorbé par sa lecture qu'il n'entend pas
sa femme approcher. Il faut dire qu'il y a déjà eu deux jeunes victimes.
Voici le portrait robot du monstre :


Et un petit aperçu des blessures (superficielles) qu'il peut infliger :



Un peu plus tard dans le film, Quint, le baroudeur, le dur à cuire, affirmera être
l'un des 316 rescapés de l'une des plus célèbres attaques de requins de l'Histoire :

"Le 26 juillet 1945, le croiseur américain USS Indianapolis,
de retour d'une mission secrète (la livraison des principaux composants
des deux bombes atomiques sur l'île de Tinian), fut coulé au large de l'île de Guam
par un sous-marin japonais. Le croiseur naviguait sans escorte et les secours tardèrent :
sur les 900 rescapés de l'attaque japonaise, seuls 316 survécurent
(hypothermie, déshydratation, attaques de requins).
Les rapports et les témoignages de survivants mentionnent
que des requins attaquèrent les naufragés nuit et jour durant quatre jours."

jeudi 14 mars 2013

Lire à la plage


Quand on fait des enfants, on les surveille, c'est la moindre des choses.
Au lieu de se prélasser sur la plage en lisant un bon livre, cette mère de
famille ferait mieux d'empêcher son jeune fils de retourner se baigner.
Il faut dire qu'un requin blanc affamé rôde dans les parages, qui a déjà
fait son quatre heures d'une baigneuse imprudente. Il semblerait cependant
qu'il ait toujours la dent, et ce n'est sans doute pas un petit garçon de huit
ans qui suffira à le rassasier. Par égard pour mon lecteur que la vue d'un
matelas gonflable déchiqueté pourrait choquer, je m'abstiendrai de reproduire
les images suivantes de ce film qui a dégoûté des bains de mer des générations
de spectateurs.


lundi 11 mars 2013

Lire en vitrine


Jo Stockton, une jeune libraire passionnée de philosophie,
travaille paisiblement quand une équipe de modistes débarque
soudain dans sa boutique pour une séance photo et la met à la porte
de sa propre échoppe. On pourrait croire qu'elle est en train de lire
l'énorme volume exposé en vitrine, mais en réalité, elle cherche
tout simplement à voir ce qui se passe dans sa librairie.
Seul le photographe Dick Avery l'aidera à ranger les livres
dans son magasin après le départ de la horde sauvage.


dimanche 10 mars 2013

Lire pour voyager


Holly Golightly se documente à la bibliothèque
sur le continent sud-américain. Elle explique à 
Paul Varjak qu'elle a en effet l'intention d'épouser
le beau et riche José da Silva Pereira et de partir
 vivre en Amérique latine avec lui.
Paul, qui lui déclare sa flamme, ne
l'entend pas de cette oreille. Truman Capote non
plus, qui désapprouvait le choix d'Audrey Hepburn
pour incarner l'héroïne de son roman : il lui aurait
préféré Marilyn Monroe... Le film devait à l'origine
être réalisé par John Frankenheimer,
mais Audrey Hepburn, qui ne le connaissait pas, 
imposa un autre réalisateur avec lequel elle avait
déjà travaillé.


samedi 9 mars 2013

Lire pour se faire peur



Nicole est en train de lire au lit paisiblement
lorsqu'elle est soudain effrayée et se cache
derrière la couverture de son livre : est-ce
sa lecture hitchcockienne qui lui fait cet effet ?
Non, c'est un bruit dans son appartement,
qui lui signale la présence d'un cambrioleur
dont les talents vont lui être bien utiles pour
sauvegarder la réputation de sa famille de faussaires.
On notera que comme l'histoire se déroule à Paris,
le metteur en scène n'a pas manqué de mettre entre
les mains de Nicole la version française du Hitchcock
Magazine, "la revue du suspense" (en français dans le texte).



vendredi 8 mars 2013

Lire des romans de gare




L'écrivain François Merlin a une jeune et jolie voisine,
Christine, étudiante en sociologie qui se métamorphose
en la sublime et fatale Tatiana dans les rêves enfiévrés
du romancier. La jeune fille s'intéresse à la production
littéraire de son voisin et se plonge avidement dans
la lecture de ses oeuvres complètes. Apparemment,
le volume intitulé "Panique rouge en Alaska" la laisse songeuse...

jeudi 7 mars 2013

Lire dans le métro


François Merlin, écrivain de profession, est en train de rédiger
un nouvel épisode des aventures de Bob Saint-Clair, avatar de
Bob Morane, agent secret qui combat le péril rouge en tombant
toutes les plus belles femmes. Avec ce nouvel opus, il ne peut
s'empêcher de nourrir quelques rêves de gloire, et son éditeur
l'encourage à se représenter les foules subjuguées qui dévoreront
avidement sa nouvelle oeuvre dans les transports en commun.
Il est vrai que le titre de ce nouveau volume est plus que prometteur.


mercredi 6 mars 2013

Lire dans un café


Dans un café parisien, Paul et Madeleine aperçoivent une jeune femme
qui ressemble fort à Brigitte Bardot : "Elle ressemble vachement à 
Brigitte Bardot, celle-là, tu trouves pas ?" demande une voix.
En effet, cette jeune femme est une comédienne, car son ami à casquette
lui donne des conseils d'interprétation à propos d'une pièce de théâtre intitulée
"Les Prodiges", une oeuvre du dramaturge français Jean Vauthier,
qui semble avoir porté dans les marges du texte diverses indications scéniques.
Trois ans après son premier rôle dans "Le Mépris", Brigitte Bardot
fait en effet l'amitié à Jean-Luc Godard d'apparaître deux petites minutes
dans son film, aux côtés d'Antoine Bourseiller.
1966, c'était l'époque bénie où l'on pouvait encore fumer dans les bars
en buvant son café sans se faire emmerder.


dimanche 3 mars 2013

Lire pour faire une dictée


Hélène, l'institutrice, fait une dictée à ses élèves.
Des élèves sages et attentifs, c'était une autre époque.
La dictée est un extrait de "La femme de trente ans",
roman d'Honoré de Balzac publié en 1842 :

"En entendant ouvrir la porte de la chambre avec brusquerie,
Hélène s'était levée du divan sur lequel elle reposait ;
mais elle vit le marquis et jeta un cri de surprise."

Plus tard dans le film, lors d'un bal costumé,
Paul, le boucher, déguisé en marquis,
invitera Hélène à danser.



samedi 2 mars 2013

Lire avant le dîner


Hélène David, l'institutrice du petit bourg de Trémolat,
a sympathisé avec le boucher du village, Paul Thomas,
dit "Popaul", à l'occasion de la fête de mariage d'un collègue.
Ce soir, elle l'a invité à dîner, mais comme il est arrivé
en avance, il n'a plus qu'à lire un peu pendant qu'elle
termine la correction de ses copies.
Pas sûr que la lecture soit le passe-temps favori de Popaul.

vendredi 1 mars 2013

Lire pour se moquer de l'auteur


Le jeune fils de Charles Thénier, écrivain pour enfants,
a été tué par un chauffard qui a pris la fuite.
Il finit par retrouver sa piste et identifie Paul Decourt
comme le meurtrier. Il décide de l'assassiner.
Malheureusement, il a tout noté dans son journal intime.
Cette lecture semble beaucoup amuser "la bête".
Le film a en partie été tourné au village d'Argol,
petite bourgade du Finistère chère à Julien Gracq.
Le film est l'adaptation du roman intitulé
"The Beast must die" du romancier Cecil Day-Lewis,
père du comédien Daniel Day-Lewis.
Le roman a été publié en 1938 sous le pseudonyme
de Nicholas Blake.
Le titre du livre et du film fait référence à ce passage
de l'Ecclésiaste :

"Car le sort des fils de l'homme et celui de la bête
sont pour eux un même sort ; comme meurt l'un,
ainsi meurt l'autre, ils ont tous un même souffle,
et la supériorité de l'homme sur la bête est nulle ;
car tout est vanité."